Réveiller le désir dans le couple : “on s’aime mais on ne fait plus l’amour”
De nombreux couples se plaignent d’une baisse de l’intimité sexuelle après quelques années de relation, souvent en lien avec une baisse de désir ou un décalage de désir au sein du couple. En sexothérapie, on entend régulièrement des phrases comme : “On s’aime, mais on ne fait presque plus l’amour” ou encore “on se touche presque plus, je n’ai plus trop de désir sexuel pour lui / elle à vrai dire.” Souvent, l’amour est encore là, mais le désir manque à l’appel. Les inhibitions du désir sexuel sont des motifs de consultation récurrents en sexothérapie. Les personnes qui consultent pour ces motifs se demandent souvent comment réveiller leurs désirs et retrouver une sexualité active. “Comme dans les premiers temps de la relation”... Alors, une baisse de désir dans un couple est-elle vraiment une fatalité ? Un (r)éveil érotique est-il possible ? Le désir sexuel : comment ça fonctionne ? Différence entre désir et libido : j’ai de l’appétit vs j’ai faim Le désir sexuel est une expérience psychologique complexe qui implique bien plus que de simples impulsions physiques. Contrairement à la libido, qui peut être comparée à une faim biologique - impulsée notamment par un jeu hormonal - le désir sexuel, lui, est plus comparable à l’appétit. Le désir est donc davantage motivé par des facteurs psychologiques et émotionnels : Il n’est pas inné mais appris. Il est conditionné par nos expériences sexuelles. Il est enrichi par notre imaginaire érotique personnel, interpersonnel et collectif. Le désir est non seulement une donnée subjective, c’est une donnée mouvante. En effet, il est tout à fait normal que le désir varie au fil du temps et des circonstances de vie. Une variabilité tout à fait naturelle, qui peut être influencée par de nombreux facteurs : Votre bien-être physique et mental : votre santé mentale ou l’image que vous avez de votre corps peuvent être plus ou moins positives ou délétères et influer sur votre niveau de désir actuel L’état de votre relation avec votre partenaire : le degré de confiance, de complicité et de sécurité émotionnelle ou encore les éventuelles dynamiques de pouvoir ont un rôle à jouer dans votre capacité à désirer ou non la personne qui partage votre intimité Votre sexualité de couple : votre routine sexuelle, les gestes posés par votre partenaire ou encore les conditions dans lesquelles se déroulent un moment de sexualité peuvent vous apporter plus ou moins de plaisir, et donc impacter positivement ou négativement votre désir sur le long terme Le contexte de vie : un stress lié au travail, à la famille ou encore une transition de vie (projet bébé, post-partum, divorce, ménopause…) peut considérablement influer sur votre désir, ou “appétit” sexuel. Il est donc essentiel de se déculpabiliser par rapport à l'absence ou à la diminution du désir, car ces variations sont inhérentes à la nature et la vie humaine ! Désir spontané vs désir réactif Il y a cette idée reçue que le désir est toujours spontané. Comme une envie soudaine qui nous prend, une étincelle qui s’allume et qui nous pousse vers l’autre. Cette idée, on la tient de la culture, du porno, ou encore des films où l’on voit un mec plaquer une meuf (rarement consentante) contre un mur. Le désir ce serait finalement deux amants qui se jettent dans les bras l’un de l’autre, mus par un désir non-anticipé, incontrôlable, donc spontané. Sauf qu’en réalité, le désir est le plus souvent réactif. Il se manifeste avant tout en réponse à des stimuli émotionnels, sensoriels, sensuels ou érotiques. N’importe quelle interaction, vécue dans un contexte adapté et interprétée comme “sexy” peut activer le désir réactif. En d’autres termes, l’adage “l’appétit vient en mangeant” peut donc s'appliquer donc au désir sexuel, à la condition d’un consentement absolu. Le désir réactif est donc tout aussi valable que le désir spontané et peut être cultivé par des efforts conscients et des interactions intimes choisies, par exemple en se balisant des temps d’intimité sensuelle en couple, pendant lesquels on prend le temps de se câliner, s’embrasser, se masser ou plus si affinités. Quand le désir manque à l’appel (et à la pelle) Ce qui empêche le désir d’émerger Identifier ce qui active son désir sexuel et intégrer ces interactions et ces stimuli à sa vie intime c’est bien. Mais parfois, cela ne suffit pas pour renouer avec son désir. En fait, le désir fonctionne selon une logique d’accélérateurs et de freins. Il y a des facteurs qui concourent à la survenue du désir, on les appelle “les accélérateurs”. Ces accélérateurs varient d’une personne à une autre. Cela peut être : une manière particulière de s’embrasser, un jeu de regard, une manière de parler, une mise en scène sexy, des jeux de rôle, un moment de grande qualité passé avec la personne qu’on aime, ou même l’achat d’un nouveau sextoy qu’il vous tarde d’utiliser... Mais il y a aussi des facteurs qui freinent la survenue du désir, on les appelle “les freins”. Ces freins réagissent aux “menaces potentielles” associées à la sexualité, soit tout ce que vous imaginez, sentez, pensez, percevez, que votre cerveau interprète comme une excellente raison de ne pas désirer de relation sexuelle. C’est votre système inhibiteur. Au sein d'un couple, il peut y avoir une série de freins qui viennent inhiber le désir. En voici quelques-uns des plus courants et les raisons pour lesquels ils ont un impact sur le désir sexuel : Les mésententes de couple et les conflits, qui peuvent créer une tension émotionnelle antithétique au désir sexuel. Les disputes et les ressentiments accumulés créent une barrière émotionnelle qui empêche le désir de s’épanouir. Le stress et l’anxiété, qu'ils soient liés au travail, aux difficultés financières ou à des problèmes conjugaux ou familiaux, entravent la disponibilité mentale nécessaire pour cultiver le désir. Une inégale répartition de la charge mentale, en lien avec les tâches ménagères ou l’agenda familial, peuvent épuiser l'énergie mentale et physique nécessaire pour entretenir une vie sexuelle active. Vous vous en doutez (ou vous le vivez) : les pensées intrusives faites de to-do-list-longues-comme-le-bras, avant, pendant ou après un rapport intime, laissent peu de place à l'élan érotique. Une disparition progressive de l’intimité sensuelle (non-sexuelle), comme les caresses, les câlins ou les gestes tendres - pourtant essentielle pour maintenir le désir éveillé. La transition à la parentalité, qui apporte son lot de joies, mais aussi de nouvelles responsabilités, du stress, de la fatigue et une réduction des temps de qualité en couple. La routine et les rôles figés et rigides qui s'installent au fil du temps peuvent également étouffer le désir. L’érotisme a besoin de mouvement et de nouveauté. Or, la prévisibilité de nos routines relationnelles peuvent rendre difficile de voir son/sa partenaire sous un nouveau jour érotique. On ne peut pas démarrer une voiture sans lever la pédale du frein. Dans la sexualité c’est pareil : pour faire émerger le désir, il est d’abord nécessaire de lever la pédale des freins (donc d’identifier ce qui vous freine) avant d’appuyer sur l’accélérateur. Comment cultiver l’érotisme dans la durée Alors, comment on fait pour entretenir le désir sur le temps longs ? D’abord, on accepte que c’est absolument OK de ne pas en avoir : le désir fluctue en permanence, en fonction des états psychologiques, émotionnels, relationnels et des circonstances et contextes de vie. On n’écoute pas les injonctions à “raviver la flamme” à tout prix (cf. tant de titres de magazines féminins). Exit la pression et la culpabilité, qui rajoute au stress et qui entrave le désir. On instaure un dialogue ouvert au sein de la relation : prenez le temps de vous poser avec votre partenaire pour parler de votre relation et de votre sexualité. À tour de rôle, exprimez vos besoins, vos frustrations et vos limites et écoutez activement les besoins, frustrations et limites de l’autre. La communication est indispensable pour pacifier une relation ou réintroduire un dialogue érotique. On questionne et on redéfinit les rôles de chacun.e pour remettre du mouvement dans la relation. Conscientisez la répartition des tâches actuelle, discutez de comment alléger la charge mentale de l’un.e ou l’autre, challengez vos habitudes, échangez les rôles (également au lit)… Vous verrez l’autre avec de nouveaux yeux. On restaure une intimité non sexuelle, via des baisers ou gestes tendres et intentionnels, des massages, des câlins sans finalité sexuelle, des douches ou des bains ensemble… Remettez de la pleine conscience dans chacun de ces moments. Cela vous permettra de retrouver une forme de connexion émotionnelle et physique, et de mettre de l’érotisme dans les petites choses du quotidien. On respecte son besoin d’espace, car le désir a besoin d’espace pour se manifester. Se ménager de l’espace mental et physique est crucial. Cela passe par : se donner du temps pour soi, se reposer suffisamment et faire des activités qu’on aime. On cultive son imaginaire érotique via la lecture, la conversation ou encore l’écoute d’audios érotiques. Autorisez-vous à vivre ces rêves éveillés, à avoir des fantasmes, à les partager à votre partenaire. N’oubliez pas : votre cerveau est votre organe érogène principal ! Consulter un.e sexologue / sexothérapeute peut également être une aide précieuse pour aborder toutes vos questions autour du désir. Un.e professionnel.le pourra vous aider à identifier les facteurs qui viennent inhiber ou activer votre désir (les fameux freins et accélérateurs), vous fournir un espace privilégié pour recréer du dialogue avec votre partenaire et vous donner des exercices personnalisés pour vous aider à cultiver votre érotisme seul.e ou en duo. Autrice : Clémence Rérolle Sexologue spécialisée en relations de couple